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Menthe Froissée
Menthe Froissée
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4 mars 2008

De nuit

J'ai dû marcher trop lentement ou partir trop tard. En tout cas je ne serai pas au hameau avant la nuit. 18h27, a annoncé la Météo. C'est l'heure du coucher du soleil. Non, je ne serai pas rentrée à temps.

La nuit va donc tomber, et je serai encore dans la forêt.

La lumière baisse petit à petit, surtout sous les frondaisons. A la clairière s'ouvre une éclaircie, mais de plus en plus diffuse. L'heure fatidique passe, quelques gouttes de pluie me font rabattre ma capuche. Mais rapidement je me découvre à nouveau la tête, pour entendre.

J'aime la pluie sur le tissu imperméabilisé, comme les pic et pac des gouttes sous la toile de tente, lorsque j'étais petite en camping avec mes grands-parents. Cela me rappelle les Mickey Parade dévorés dans le sac de couchage, et toutes mes aventures imaginaires façon Castor Junior. Mais ce soir, c'est différent. Je ne joue pas.

Curieusement certains oiseaux se mettent à chanter juste comme la lumière baisse. Des appels, des trilles, une communauté qui salue la nuit avec plaisir. Des senteurs de terre mouillée, d'herbe humide m'atteignent par instant, se mêlant à la brume sur mon visage. Je respire tout doucement, à petits coups, goûtant leurs nuances.

De drôles d'aboiements rauques et étranglés vibrent dans un fourré pentu, non loin derrière moi. Je m'arrête, vaguement alarmée, scrutant l'ombre, cherchant à deviner un mouvement. Un chien de chasse égaré? Un sanglier prêt à charger? Pas au milieu du chemin, tout de même... ?

Mais non, rien.

Je me sens au chaud dans ma parka, je respire plus profond petit à petit. La nuit arrive mais le ciel n'est pas noir, à peine gris sombre. Finalement, j'y vois encore bien. La bruine s'accentue. Enfiler le bas imperméable? Je recule à la perspective de poser mon sac et d'en extirper le pantalon, craignant d'éparpiller son contenu et de perdre un gant, ou mes papiers. Mal vu. La prochaine fois, il faudrait que je m'organise autrement. Mais ce n'est pas grave, il ne fait pas très froid, et les lumières du hameau commencent à percer les feuillages.

Je longe encore quelques maisons aux volets clots, à l'orée du bois. Puis je sens la route sous mes pieds.

C'est en arrivant aux premières bâtisses que la sensation de nuit m'atteint vraiment, avec ces lampadaires violents qui refoulent l'ombre.  Maintenant le ciel paraît noir. (Serait-ce la lumière qui crée la nuit?) Par une embrasure sans rideaux et vivement illuminée, j'aperçois un couple à table, en train de rire en trinquant. Une vieille édentée aux cheveux gris tirés en arrière, et son compagnon dont je croise le regard, notant au passage un visage rougeaud, grossier, une silhouette trapue. J'accélère le pas comme s'ils allaient me prendre en chasse, m'inquiétant des dizaines de voitures garées dans leur cour.

Mais cette nuit, il n'y a pas plus de sorcière que de sanglier furieux. Je rentre sans encombre.

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