Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Menthe Froissée
Menthe Froissée
Publicité
Archives
9 mars 2008

L'Enfer de la BNF

J'ai fini par céder à ma curiosité, attisée par les commentaires contradictoires que j'ai pu entendre sur cette exposition un peu sulfureuse puisqu'interdite aux moins de 16 ans: aujourd'hui en France, ce n'est pas rien. Cessant de jouer les prudes, j'y suis donc allée avec une amie qui de longue date avait souhaité s'y rendre.

Que redoutais-je, en fait? Que ma pudeur soit offensée, que je sois horriblement gênée, que je devienne toute rouge, que je ne sache plus où me mettre. Pour cela, l'éclairage atténué fait preuve d'une délicatesse bienvenue. Et puis personne ne semble dévisager les autres visiteurs. Chacun reste dans sa petite bulle, les commentaires sont à voix basse, c'est finalement presque intime.

Mais l'intime, c'était bien là que se situait le problème. Une exposition se visite généralement avec l'espoir de passer un bon moment, parce qu'on aime déjà ou se sent prêt à aimer ce qui est présenté. Or ici le plaisir anticipé est brouillé par la crainte de trahir un intérêt pour ce qui ne se révèle d'habitude que dans le contexte amoureux, de se dévoiler à des voyeurs potentiels, de surprendre un regard lubrique, de subir un manque de respect qu'autoriserait cette curiosité visible, un goût pour une sexualité étalée, et même stimulée.

Car tout de même, vient-on admirer des lithographies enluminées, découvrir l'écriture manuscrite de tel auteur, ou bien se rincer l'oeil?

Cette ambiguité, ce jeu de la transgression ne sont d'ailleurs pas dénués d'un certain plaisir...

Ceci dit, passé le premier choc, et quelques autres car tout de même les illustrations sont très explicites, en fait oui, on admire les estampes pour leurs choix esthétiques très particuliers, on rit du tourniquet légendé "application physique amusante", on découvre avec une certaine émotion la calligraphie ronde de Pierre Louÿs, ou la lettre du fils de Sade à son père en prison.  On voit les originaux qui ont fait condamner Sade, et c'est plus parlant qu'un volume en Folio. Cela m'a intéressée de découvrir aussi comment les pamphlets politiques tapaient en-dessous de la ceinture au XVIIIème siècle. Un certain côté didactique se dégage ainsi.

Mais malaise, oui, il y a eu. A cause de la crudité elle-même des documents, des plans fixes et appuyés sur les sexes et les doigts ou pénis (phallus, ça fait mieux) les fouillant, de l'étalage, du galvaudage de fantasmes réalisés.

Des images qui peuvent m'exciter quand elles me traversent spontanément dans le secret de mes pensées perdent tout à coup leur pouvoir parce qu'elles sont mises au jour, banalisées et donc dévalorisées. Par la même occasion,  je me sens presque dénoncée.

En revanche, j'ai beaucoup apprécié les ouvrages ou documents relevant du XXème siècle, Bataille, Pierre Louÿs, Genet, Cocteau, sans doute parce que leur esthétique est plus proche de nous. Leurs textes traduisent aussi des préoccupations presque spirituelles, une recherche plus qu'une consommation.

J'ai bien aimé l'extrait d'Histoire d'O, avec le regard concentré de la jeune femme, et les yeux du chauffeur. Le déshabillage, la porte qui s'ouvre vers un passage sombre et bordé de frondaisons. Ainsi que les lithos de Hans Bellmer.

L'expo est beaucoup moins riche sur la période moderne en France, me semble-t-il. Peut-être par souci de l'ordre public ?  (Avec si peu de distance temporelle, les documents conçus pour nos générations gardent une efficacité troublante... ) Peut-être aussi parce que tout est disponible dans les bonnes librairies?

Des choix notables aussi: rien sur l'homosexualité masculine avant Genet et Cocteau, par exemple.

Bref, on aimerait en savoir davantage.

(hum)

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité