L'Augmentation

Une pièce de Georges Pérec que je connaissais pas - du reste je le croyais seulement romancier.

Je l'ai vu dans une mise en scène inventive et réussie de Anne-Laure Liégeois, avec Olivier Dutilloy et Anne Girouard, deux acteurs épatants d'énergie et de justesse, tant dans la parole que le geste.

Au fil de leur carrière dans l'entreprise, deux collègues tâchent d'obtenir une augmentation de salaire, en déployant patience, stratégie, et même l'énergie du désespoir. La scène, avec son espace central sur lequel claque et se referment des portes aveugles, délimite leur pré carré.

Très peu d'accessoires, une utilisation efficace de la musique et des déplacements très chorégraphiés accompagnent un texte fleuve, répété avec une articulation maniaque, une volubilité jubilatoire, et çà et là juste ce qu'il faut d'humour dans les glissements de vocabulaire pour ne pas sombrer, submergé par le Verbe. C'est souvent drôle, mais au fond très noir: les 2 individus n'arrivent pas à établir un dialogue respecteux. On les balade, on les entortille, on les amadoue par des honneurs dont ils se laissent griser pour se réveiller bernés et flageolants, avant de repartir au crénau de plus balle contre un appreil qui, lui, ne se fatigue jamais. La critique est féroce.

Peut-être par un effet de la fatigue d'une nuit trop courte la veille, j'ai parfois vacillé moi-même contre ce raz-de-marée de mots, cette logorrhée incessante. Tentéec de crier grâce, je me suis accrochée tout de même - à la réflexion, peut-être en miroir de ces deux acharnés...!

(Théâtre Firmin Gémier, Antony)