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Menthe Froissée
Menthe Froissée
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5 novembre 2008

Entre les murs

C'est comme si on y était, ai-je songé très vite, regrettant presque d'être venue: ce film ne va rien m'apprendre.

Mais progressivement, il m'a beaucoup émue, au point d'y trouver une confirmation presque exaltée de mon goût pour l'enseignement... finissant même en larmes, tellement les dernières minutes, entre Esméralda la fine mouche ("c'est pas une lecture de pétasse, ça, hein, monsieur") et la jeune fille effacée pendant toute l'année qui vient exprimer son angoisse d'aller dans le technique, expriment avec justesse l'écartèlement permanent des enseignants.

Avec sa dernière réplique, Esméralda concentre et conclut toute l'ambiguité de la relation qu'on peut avoir avec les élèves. Comment le prof défend ses élèves, mais en même temps ne se surveille pas assez, est trahi par ceux-là mêmes qu'il essaie d'aider, avec qui ensuite une réconciliation est possible tout de même. On a le sentiment aigu que ces jeunes ne comprennent pas eux-mêmes les enjeux de ce qu'ils font et disent, mais se jettent à fond dedans pour des sensations sans recul, entre mauvaise foi et générosité, appel et refus de l'autre.
J'ai apprécié aussi le goût pour la transmission des connaissances, et la démarche pédagogique, par ex l'essai d'impliquer les élèves d'une manière ou d'une autre (l'auto-portrait en photo de celui qui n'arrive pas à écrire). Tout comme la confrontation des points de vue de pédagogues - quels romans peut-on espérer faire lire à ces élèves, quelle discipline faut-il faire régner, où l'on peut s'identifier tour à tour avec les différents collègues, quand on a soi-même hésité entre différentes postures, les endossant les unes après les autres. La réunion avec les parents d'élèves est un petit bijou. Tout comme les interventions du Principal, très ampoulé, opacifié dans une langue de bois administrative, montrent également quels obstacles à la communication se dressent entre les différents interlocuteurs: certes la maman ne parle pas français, mais le principal... non plus, d'une certaine manière.

L'autre dimension qui m'a intéressée est celle du réalisme. C'est un documentaire, a-t-on pu entendre. Eh bien, non, justement, car ce sont des acteurs qui jouent, sur un scénario-fiction, qui condense, résume, élimine des épisodes afin d'en extraire une quintessence nécessaire et suffisante à créer le sentiment de vérité, d'authenticité. Il n'y a pas de musique, ce qui empêche une certaine distanciation et nous plonge directement dans l'action, tout en donnant de l'austérité au film, qui n'est décidément pas là pour divertir, en tout cas pas plus que la vie réelle.

Cet aspect-là alimente aussi ma réflexion sur l'efficacité de la fiction pour réfléchir au réel.

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