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Menthe Froissée
Menthe Froissée
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27 juillet 2008

Lady Chatterley

Cette semaine, j'ai découvert un plaisir inédit: lire au lit un DVD au lieu d'un livre.

D'habitude, j'aime bien lire avant de m'endormir et si le roman me correspond particulièrement bien, il m'arrive de songer aux personnages pendant la journée, de me demander leurs motivations, comment l'intrigue va évoluer, comment ils vont se sortir de telle ou telle situation ou arriver à leurs fins...

Or cette fois-ci, je me suis aperçue en prenant dans ma valise The Blue Afternoon, de William Boyd, que je le connaissais déjà, bien qu'il ne m'eût laissé guère de souvenir. Il était sans doute rangé chez moi sur la mauvaise étagère (celle des "non lus") et je l'ai emporté par erreur . Raison de plus pour le reprendre, pourrait-on objecter - à moins que ce ne soit tout le contraire: puisqu'il ne m'a pas marquée la première fois, à quoi bon récidiver?

N'ayant pas d'autre roman, j'ai tenté un DVD, Lady Chatterley, de Pascale Ferran (prix Louis Delluc 2006, et 5 César: meilleurs film, actrice, photo, adaptation et costumes) et au lieu de m'allonger avec le roman, je me suis calée contre des coussins avec le PC trois nuits de suite pour une petite heure à chaque fois. Peut-être que des puristes hurleraient: un film, ça ne se saucissonne pas, c'est fait pour être vu d'affilée, rien à voir avec un feuilleton etc

Ben.. Oui, sûrement. Mais là, c'était bien. D'abord le film lui-même est découpé: en scènes annoncées par un écran noir et quelques mots ("quinze jours plus tard", "le lendemain Sir Clifford souhaita partir en promenade avec Constance"), ou bien une voix off nous résume une période avec quelques images illustratives. On a même une imitation de film amateur vers la fin, comme si on nous projetait les souvenirs de vacances que les personnages s'étaient amusés à enregistrer. Il y a aussi des pauses dans la narration: la caméra s'attarde sur des fleurs de temps à autre, nous montre le printemps, nous rend sensible le temps (celui qui passe aussi, pas juste la pluie ou le soleil.) Ce n'est pas un film où l'on s'immerge en s'oubliant.

Par ailleurs, un thème majeur qui sous-tend tout le film est l'évolution des personnages, et j'ai bien aimé y songer dans la journée. Une lady dépérit dans la campagne anglaise qui éclot au printemps, fleurs charmantes se balançant au vent, sous-bois mousseux et humides... Son époux étant revenu à demi paralysé de la guerre, elle n'est plus que sa garde-malade. Et puis un jour, elle surprend son garde-chasse torse nu.

Constance et Parkin se rencontrent, se découvrent eux-mêmes l'un par l'autre tout en tombant amoureux. L'éveil à la sensualité de la jeune femme est un délice. Le garde-chasse, taciturne et vunérable accède à la confiance en soi, prend conscience de son individualité et de sa liberté grâce à elle. Ils glissent dans un amour qui devient petit à petit une évidence essentielle.

Les autres personnages ne sont pas négligés, et sont très intéressants aussi. Lord Clifford, amoureux de Constance à sa façon, qui lutte pour retrouver ses forces n'est pas antipathique, malgré son comportement parfois capricieux. Il est un produit de sa classe sociale. Le thème des castes est d'ailleurs plus qu'effleuré, et l'amour transgression de Constance se double d'une certaine réflexion politique. Dans le roman, les dialogues marquent les différences sociales par une orthographe reprenant l'accent rural du garde-chasse et beaucoup de patois, ce qui rend d'ailleurs la lecture assez difficile. Dans le film, Parkin articule moins bien, a des expressions assez simples, une voix et un discours moins éduqués, mais pas "bouseux", ou "plouc". La différence sociale se sent sans être insultante. La délicatesse que Parkin manifeste avec Constance est profondément émouvante.

C'était bon de revivre mentalement certaines scènes avant de se replonger dans le récit, et d'aller encore plus loin. Malgré la distance apportée par le montage, le film a une qualité presque physique. Les corps qui se frôlent, s'étreignent, se donnent à voir sont bien là, créent l'émotion et le trouble.

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