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Menthe Froissée
Menthe Froissée
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24 août 2007

Suite Française (2)

Suite Française comprend deux livres : Tempête en juin  et Dolce. Tempête en juin  raconte la débâcle, quand les Parisiens fuient la capitale en apprenant que les Nazis sont aux portes de la ville, en une série de scènes impliquant des familles de toutes classes sociales. Elle décrit ainsi les lâchetés, trahisons mais aussi la solidarité dont les humains sont capables. Ce n’est pas la partie que j’ai préférée : les personnages sont le plus souvent définis à grands traits et assez prévisibles, pour ne pas dire caricaturaux. Une exception cependant pour la famille de notables, les Péricand, grands bourgeois catholiques, croquée à la perfection, avec une économie pleine d’humour et une intelligence romanesque qui s’appuie sur les détails qui font mouche.

Dolce m’a beaucoup plu, en revanche. Il décrit comment est vécue l’occupation d’un petit bourg, Bussy, par les habitants comme par les soldats. Les personnages ou certaines péripéties de Tempête en Juin y sont cités, ce qui inscrit Dolce dans un univers dont on connaît déjà l’existence et lui donne authenticité et perspective. Cette fois encore, différents milieux sont décrits, mais autour d’une intrigue qui donne vie au tableau. L’aristocrate locale, qui se sent investie d’une mission chrétienne, est un régal, et fait pendant au fils Péricand de la première partie. On découvre aussi le désarroi, la combativité et la rancœur d’une mère exclusive dont le fils est prisonnier de guerre, et ses difficiles relations avec sa bru dans un huis clos où l’arrivée d’un officier allemand obscurcit encore les malentendus.

L’analyse des rapports humains, qui transparaissent dans l’intrigue ou sont décrits par l’auteur-narrateur est tout en délicatesse et s’abstient de tout jugement. Elle se borne à éclairer les ressorts affectifs et émotionnels, à suggérer des pistes.

Le suspense reste bien réel jusqu’au bout de cette histoire où les personnages, qu’ils le veuillent ou non, sont interdépendants et responsables les uns des autres, tout en étant ballottés par les aléas d’une guerre qui les dépasse. L’inconfort et la fragilité d’un équilibre à trouver dans la douleur deviennent si sensibles qu’on aurait envie de citer ce texte comme un témoignage fiable.

Un autre plaisir de Suite Française est purement esthétique, lorsque l’auteur se plaît à décrire un détail, à la manière des peintres qui rendent à la perfection un élément secondaire du tableau.

« Cette amitié entre elle et l’Allemand, ce secret dérobé, un monde caché au sein de la maison hostile, que c’était doux, mon Dieu ! Elle se sentait alors un être humain, fier et libre. Elle ne permettrait pas à autrui d’empiéter sur ce qui était son domaine propre. » (Dolce chap 17)

« Il songea qu’il cherchait comme tous les êtres le bonheur, le libre épanouissement de ses facultés et que (comme tous les êtres, hélas, en ce temps-ci) ce désir était constamment contrarié par une sorte de raison d’Etat  qui s’appelait guerre, sécurité publique, nécessité de maintenir le prestige de l’armée victorieuse. » (Dolce, chap 20)

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